Rapport complet - PDF (annexes)

Publié le 8 mars, 2018. 

Résumé

L’industrie du cinéma et de la télévision est caractérisée par une gestion autoritaire. Depuis ses débuts, bien des postes au sein de la Guilde ont été principalement occupés par des hommes, et donnent parfois l’impression de leur être réservés. Les attitudes machistes (langage vulgaire et sexualisé ou narcissisme agressif) sont fréquentes, et peuvent conduire à la normalisation de comportements abusifs tels que le dénigrement et l’humiliation des subordonnés. Dans une industrie précaire, où les travailleurs indépendants doivent se battre pour décrocher du travail, ceux qui se plaignent posent problème et peuvent se voir congédiés ou disqualifiés de futures occasions d’emploi. Dans un tel contexte, il n’est pas étonnant que l’on entende autant parler d’intimidation. Les femmes sont particulièrement vulnérables aux avances, aux commentaires et aux contacts de nature sexuelle non sollicités. Dans certaines situations, les injures, les attouchements et les agressions de nature sexuelle servent à « remettre les femmes à leur place » et à leur montrer qu’elles ne sont pas les bienvenues au travail. Lorsque des cas de harcèlement retentissants ont été mis en lumière dans le milieu, le Conseil exécutif national (CEN) de la Guilde a rapidement résolu de s’allier à des partenaires de l’industrie pour faire face au problème. La Guilde a confié le dossier à Kendrie Upton du Conseil de la Colombie-Britannique et s’est immédiatement engagée dans les discussions ayant lieu à l’échelle de l’industrie suivant les allégations présentées par les courageuses pionnières de la campagne #MeToo, sans compter sa participation aux tables rondes #AfterMeToo et la création de plusieurs groupes de travail. Parallèlement, le CEN a adopté une résolution (avec l’appui des conseils de district) recommandant l’audit de ses propres politiques et pratiques afin de protéger ses membres du harcèlement et de l’inconduite sexuelle. La Guilde a mandaté Daina Green pour mener une tournée d’écoute, à laquelle plus de 100 membres ont accepté de participer. Bien que le nombre de jours dans chaque ville et le nombre d’entrevues en personne aient été limités, au-delà de 60 membres de la Guilde se sont rendus disponibles en Colombie-Britannique, en Alberta, au Manitoba, en Ontario et au Canada Atlantique pour décrire en personne les expériences vécues en milieu de travail. Des recommandations de la part de membres, d’employés et de dirigeants sur la manière d’améliorer le climat et de créer des milieux de travail plus respectueux ont aussi été recueillies. L’audit comprenait un examen des politiques et pratiques actuelles à l’interne et à l’externe ainsi que les recours prévus par la loi dans les provinces et territoires du pays pour les travailleurs victimes de harcèlement ou de harcèlement sexuel au travail.

Grandes constatations

Si les membres ayant participé à la tournée d’écoute l’ont fait volontairement et ne forment donc pas un échantillon représentatif, leurs témoignages étaient toutefois très semblables à l’échelle des districts et des catégories.

  • La plupart des participants ont indiqué avoir été victimes ou témoins de harcèlement au travail. Les membres déclarent avoir été la cible de commentaires humiliants devant leurs pairs, de langage grossier et d’injures et d’objets lancés dans un moment de colère. De nombreuses femmes et quelques hommes ont aussi signalé des situations récentes d’inconduite sexuelle, allant de commentaires inappropriés de nature sexuelle à des agressions de la part de membres d’autres syndicats, de producteurs et d’autres membres de la Guilde.

  • On a noté, lors de la tournée d’écoute, un lien entre un certain nombre d’incidents d’agression sexuelle au travail ou dans un endroit relevant de l’employeur. La plupart de ces agressions ont eu lieu il y a plus de cinq ans. Or, même les plus récentes n’ont pas été signalées à la Guilde, à l’employeur ou à la police, faute de confiance à l’égard du processus.

  • Il règne dans le domaine la peur de représailles et la croyance que les comportements resteront impunis. Les membres croient qu’en portant plainte, ils risquent d’être congédiés ou de perdre des occasions de travail futures, sans être capables de prouver la raison pour laquelle ils n’ont pas été retenus. Il en va de même pour les membres qui sont témoins d’intimidation ou de harcèlement.

  • Le personnel et les dirigeants élus sont très conscients de l’ampleur du problème et espèrent avoir accès à de la formation et à des ressources supplémentaires afin d’être en mesure de répondre plus efficacement aux allégations des membres.

  • La plupart des membres estiment que la Guilde peut et doit en faire plus pour les protéger et que la tournée d’écoute et la demande de recommandations sont un très bon début. Certains se montrent sceptiques quant à la possibilité que la Guilde prenne des mesures concrètes.

  • Les membres qui occupent des rôles de supervision ne se sentent pas à l’aise ou n’ont pas la confiance nécessaire pour gérer efficacement les allégations de harcèlement.

  • La formation sur le respect en milieu de travail créée par Natasha Tony de la section 891 de l’Alliance internationale des employés de la scène (AIEST), qui a été adaptée et offerte dans de nombreux districts, a reçu l’éloge des membres et du personnel pour son efficacité à sensibiliser l’industrie sur les comportements acceptables et inacceptables au travail.

  • Peu d’incidents manifestes de racisme ont été signalés, quoique les membres racisés qui sont arrivés au Canada d’ailleurs ont indiqué que leur expérience antérieure n’était pas reconnue et qu’il était très difficile de se tailler une place dans l’industrie en passant par la Guilde. Une personne a mentionné que des commentaires désobligeants avaient été faits au sujet des populations autochtones lors du tournage d’un film dans le Nord. Malheureusement, aucun participant de la tournée d’écoute ne s’est identifié comme autochtone, peut-être en raison du manque d’action directe à cet égard. 

Principales recommandations

La Guilde a adopté de nombreuses mesures positives en réponse aux expériences vécues au travail par les membres, mais elle ne peut pas à elle seule apporter tous les changements requis pour mettre fin au harcèlement, à l’intimidation et à l’inconduite sexuelle en milieu de travail. Les membres soulignent le professionnalisme dont fait preuve le personnel de la Guilde pour les soutenir lorsqu’ils signalent un incident de harcèlement. Cela dit, étant donné les nombreux groupes de travailleurs et les différents niveaux de gestion en cause, sans compter le fait que les travailleurs autonomes ne peuvent être entièrement protégés des représailles silencieuses sous forme de liste noire, il n’y a pas de solution rapide. Avec les recommandations suivantes, nous tentons de cerner le problème en offrant des mesures qui touchent à toutes les parties et qui aident les membres, le personnel et les employeurs à prévenir le harcèlement et à résoudre les plaintes rapidement, mais surtout équitablement.

  1. Ajout de contenu sur le respect en milieu de travail et la sécurité psychologique aux discussions de sécurité sur le plateau (y compris du contenu préparé, que les membres occupant des rôles de supervision peuvent présenter facilement).

  2. Définition claire du harcèlement et des comportements inappropriés connexes; élaboration d’une fiche d’information à afficher au travail sur les responsabilités et les droits.

  3. Formation pour le personnel sur la gestion des allégations de harcèlement.

  4. Formation obligatoire pour les gestionnaires, et pour ceux qui progressent d’une catégorie à une autre, sur la responsabilité juridique d’offrir un environnement de travail exempt de harcèlement, les moyens de reconnaître le harcèlement et les comportements inappropriés, et ce qu’il faut faire si ce genre de comportements est observé ou signalé.

  5. Embauche de représentants des ressources humaines sans lien de dépendance, au nom de tous les partenaires de l’industrie et aux frais des producteurs, pour appuyer le personnel des syndicats et de la Guilde, les membres et les gestionnaires. Parmi les tâches pouvant être confiées à ces représentants, notons les suivantes : réception des plaintes, conseils sur le traitement des plaintes, formation, enquêtes, médiation et résolution de problèmes (selon le modèle de justice réparatrice, s’il y a lieu).

  6. Établissement d’un programme de soutien entre pairs et amélioration des programmes de mentorat de la Guilde.

  7. Création d’un service national d’assistance (guichet unique) permettant aux membres de porter plainte et de demander une intervention ou des renseignements concernant des comportements inappropriés ou du harcèlement.

  8. Exploration d’applications Web d’entiercement de l’information, comme le logiciel SafeSpace, pour protéger les renseignements liés aux incidents et permettre aux plaignants de signaler les harceleurs communs. (D’autres renseignements et des liens seront fournis plus loin dans le rapport et à l’annexe C.)